Hospitalisation des internes malades et blesses en Suisse
L’état-major de l’armée nous communique un rapport complet sur l’œuvre de l’hospitalisation des prisonniers de guerre malades ou blesses en Suisse, duquel nous extrayons ce qui suit :
L’internement des prisonniers français, belges, allemands et anglais s’est effectue en 3 phases : en janvier, février et mai 1916.
Ont été internes jusqu’à présent :
Belges : 1,076
Allemands : 2,949
Anglais 452
Français : 8,941
Total : 13,417
Les internes sont repartis en 16 régions ou, si l’on préfère, en 16 arrondissements d’internement.
Les rapports des internes avec la population civile doivent, pour des raisons de discipline, être très restreints. Les parents eux-mêmes ne sont admis à soigner leurs malades que dans certains cas. Mais ils sont autorisés à élire domicile dans l’endroit même et beaucoup ont déjà fait usage de ce droit. Les visites sont soumises à un contrôle rigoureux ; les visites collectives sont prohibées, les curieux tenus a l’écart. Les sociétés de bienfaisance, ou soi-disant telles, ne sont pas non plus admis sans conditions auprès d’eux, mais sous le contrôle de l’officier sanitaire dirigeant. Toutes les œuvres d’assistance volontaire sont placées sous la surveillance du bureau central « Pour le bien du soldat », qui a toujours toute compétence dans ce domaine.
On rencontre parmi les internes les éléments les plus disparates, car en les choisissant l’on ne peut ni ne doit faire intervenir des considérations de morale. Quelle garantie peut-on avoir que des hommes, dont quelques-uns, avant la guerre, étaient des gens sans aveu, obéiront toujours même a leurs propres supérieures? On a déjà fait l’expérience que les règlements de discipline n’étaient pas de trop.
Dans la majeure partie des cas, les prescriptions en vigueur dans l’armée suisse seront applicables aux internes. En outre, les chefs de la localité, de l’établissement ou de l’étage, de même que le personnel auxiliaire et médical sont responsables vis-a-vis de l’officier sanitaire dirigeant. Sont prescrits comme moyens de répression : des admonitions, des arrêts au lit, de sévères rappels a l’ordre et, au besoin, le renvois dans les camps de prisonniers ; mais, jusqu’à nouvel ordre, il ne sera pas fait usage de ce dernier moyen. Afin de l’éviter, il est question d’installer prochainement des colonies disciplinaires, ou l’on enverra les mauvais éléments ; dans chaque endroit il y a, en outre, des locaux d’arrêts.
S’il a fallu instituer des punitions semblables, la population porte malheureusement aussi sa part de responsabilités. C’est un spectacle noble et émouvant, certes, que de voir les neutres dans un élan de sympathie humaine, accueillir les soldats qui, après des fatigues et des privations inouïes, atteints souvent de maux terribles, viennent cherches dans nos montagnes le repos et la guérison. Qu’on leur fasse des cadeaux, qu’on leur témoigne de la sympathie, personne ne cherche a s’élever la contre. Mais il ne faut pas, néanmoins, tomber dans l’exagération et cela même dans l’intérêt même des internés, qui n’en ressentiraient que plus vivement les limitations forcées de leur liberté.
Il y a parmi eux, disons-nous, des éléments de toutes sortes, des hommes qui enfreindront les règles de la bienséance et de lla discipline, pour peu qu’ils pensent pouvoir le faire impunément. C’est pourquoi il a été nécessaire d’instituer des sanctions.
On fera bien de ne jamais oublier que ces soldats sortent d’une vie de privations, et qu’ils ont besoin d’être réadaptés aux conditions normales de l’existence, à la vie réglée et disciplinée ou ils rentreront dans un avenir prochain en qualité d’hommes libres. Il ne leur est pas interdit de fréquenter les établissement publics, mais ceux qui leur paient a boire d’une façon immodérée commettent un véritable crime. Cette course en masse de la population vers les internes n’est pas non plus compatible avec notre dignité nationale. Une sympathie vraie peut se manifester de bien d’autres façons ; elle n’est pas ennemie d’une certaine réserve, et devra s’inspirer surtout du désir de ne pas les importuner.